Même pas peur !

Je rentre sous la pluie battante. Les éclairs zèbrent le ciel. A peine le temps de saluer la petite marchande de fruits blottie sous son parasol, me voici à l'abri dans mon immeuble !

Et la lumière ne fonctionne pas... encore une coupure de courant ! Peu m'importe, je grimpe les escaliers et atteins mon havre de paix. J'attrape à la hâte une serviette et me précipite sur le balcon pour assister au spectacle. Le tonnerre gronde sur ma tête ! L'orage se rapproche à grands pas. Je me pose face à lui et j'observe sa course, ses ronflements, ses vagissements... il grossit et éclate à mes pieds.

J'ai toujours adoré les soirs d'orage  : l'électricité dans l'air, le spectacle son et lumière, l'ambiance...

Petite, je me réfugiais sous ma couverture bleue et me posais sur le rebord de ma fenêtre pour observer les mouvements de l'orage. Je me sentais à l'abri et en même temps je voyais quelque chose de plus grand que moi dans ce déchaînement des éléments qui me fascinait. Pendant ces soirées d'orage à la Roche, l'électricité était coupé parfois. L'ambiance de la maisonnée changeait, devenait plus feutrée. Nous quatre, si bruyants à l'accoutumée, parlions moins fort, nous nous agitions moins.

La maison prenait une autre dimension à la lueur de la bougie. Tout tournait autour de cette flamme. L'ombre était vivante et vibrante. Le silence se faisait plus présent... on se serrait pour que chacun ait un peu de lumière.

Puis, on préparait la lampe à pétrole pour plus de confort. On la posait sur la table de la cuisine. Maman sortait les dominos et les parties s'enchaînaient. D'ailleurs, nous ne sortions les dominos qu'à cette occasion. D'habitude, nous préférions jouer, pendant les longues soirées, au scrabble ou aux dames...ou remplir des grilles de mots fléchés.

J'ai été, selon mes collègues, dès mon arrivée confrontée à des conditions exceptionnelles : hivernage long et pluvieux, pannes de courant  récurrentes, graves inondations dans la banlieue de Dakar, manifestations etc.

Pourtant, le fait de ne pas avoir de courant est reposant, il faut bien l'avouer. Pas moyen de se connecter, ni de lire,... alors je remplis mon journal de bord, je fais mes postures de Khi Dao, je médite...