Coups de projecteur

Avouons-le, bien souvent, quand on parle de l'Afrique, les  premiers sujets qui viennent à l'esprit sont le développement, l'excision, la culture de l'oralité... A ce jour, je trouve cela bien réducteur  parce qu'on oublie à l'envi les contributions de l'Afrique dans les domaines du savoir : sciences, préhistoire,  pensée philosophique, ... Au fil des conférences, j'ai la chance de découvrir et d'approcher la culture sénégalaise, de rencontrer des personnes érudites et actives, toujours passionnées par leur sujet. 

Je voulais saisir cette occasion pour vous parler d'autres sujets qui touchent les sénégalais et sur lesquels ils s'impliquent à travers des associations qui oeuvrent beaucoup ici.

Le handicap : Lors de la projection du film "Amma les aveugles de Dakar", de Mamadou Sella DIALLO suivi d'un débat sur la condition des handicapés au Sénégal, nous avons eu le plaisir de recevoir les membres de la Fédération sénégalaise des Associations de Personnes handicapées et de l'association handicap.sn. Ils oeuvrent pour faire évoluer la condition des handicapés au Sénégal. (lien vers ces associations et vers la conférence). A Dakar, aux carrefours des rues, aux croisements ... les handicapés se regroupent et tendent la main afin de gagner leurs subsides quotidiens. D'autres ont créé des micro-entreprises : fabrication de serpillières par des aveugles, de puzzles par des paraplégiques, ... mais cela reste marginal. Le handicap est très présent : au quotidien, je croise de nombreuses personnes atteintes de poliomyélite,  maladie pour laquelle mes parents étaient déjà vaccinées enfants. Quelques écoles /ateliers existent certes et font un travail admirable mais les mentalités sont encore réticentes à voir dans la personne handicapée, un avocat ou un savant. C'est le dessein divin qui frappe une famille... Il y a encore peu, l'enfant handicapé était "caché" et vivait cloîtré à la maison non par malveillance mais par manque d'informations. 

Chaque sénégalais est élevé dans le souci de la solidarité à l'autre : le fait de donner une pièce, du pain ... des bougies, des colas (parfois demandé par le marabout pour apporter la chance).  On a le sens du partage et de l'accueil. Avant d'aller manger son plat, on demande à ceux qui nous entourent de venir partager notre repas "kay ndekki!!" Même avec peu, on peut se montrer généreux et partager son fruit à la fin du repas.... Au village, un sac de riz apparaît parfois au matin devant la porte d'une case que l'on sait "en difficulté financière" sans que la personne ne sache d'où cela vient.

Les Droits de l'Homme : Alioune TINE, président de la RADDHO =   Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme a dressé le bilan des droits de l'homme après 50 ans d'indépendance. Ce propos fut l'objet d'un livre de l'association : bilan sur les pays de l'afrique de l'ouest, à acheter pour aider l'ONG. Cette conférence fut d'une grande qualité et m'a permis de rencontrer M. TINE qui est un personnage intègre et emblématique aujourd'hui au Sénégal.

Il s'est illustré récement dans la presse sénégalaise sur la question de l'homosexualité. Il a défendu avec verve un homosexuel malgré l'animosité de ses proches et des chefs religieux. Malgré la récente signature à la Déclaration de Genève (Bonne idée Mr Wade !), la société sénégalaise refuse d'accepter l'homosexualité ce qui oblige les concernés à s'exiler ou à se cacher.  Cela reste un sujet houleux difficile à aborder avec mes amis qui considère que c'est un interdit religieux alors que moi je défends l'humain. Pas de gay pride à Dakar ... Sniff ! En même temps, en France, il reste encore pas mal de tabou même si la dépénalisation a 30 ans.     

Les assises nationales :  Au Sénégal, il y a un avant et un après les Assises Nationales du Sénégal. Les associations citoyennes, les politiques, la société civile, les intellectuels se sont réunis afin de dresser un diagnostic de la crise sénégalaise et de proposer des solutions pour y remédier. Plusieurs conférences à la librairie ont été organisées en collaboration avec les associations participantes. On sent un désir d'implication des citoyens, de vouloir être partie prenante dans les décisions politiques...

 "La réflexion et les concertations menées dans le cadre des 8 commissions thématiques  et les consultations citoyennes organisées dans les 35 départements du Sénégal et de la diaspora sénégalaise (France, USA, Canada...) avaient 4 objectifs :

- faire l'état des lieux dans les différents domaines et secteurs de la vie nationale.

- proposer des éléments d'orientation des politiques publiques nationales

- réfléchir sur les conditions de refondation non seulement de l'Etat et des institutions mais de l'économie et de la société ; en vue d'atteindre les objectifs visés

- fournir l'esquisse d'un nouveau projet de société partagé pour le Sénégal. " extrait du résumé du rapport final des assises de mai 2009

 A la veille des élections présidentielles de 2012, le collectif "Y'en a marre" mène des campagnes d'information auprès des jeunes pour les responsabiliser par rapport à la vie politique. "Aux urnes, citoyens !!!!"

Tiken Jah Fakoly - Y'en a marre par willmen

Le cinéma africain : En janvier, a eu lieu au centre culturel français, la projection du film Ramata, en présence du réalisateur et des comédiens (avec une pensée émue pour Katoucha).

L'association FILM AFRIQUE RESEAU se bat pour le maintien de salles de cinéma au Sénégal, au Burkina Faso, Mali... et la promotion du cinéma africain.  Beaucoup de films ne voient jamais le jour par manque de moyens, à cause des conditions (7 années de tournage pour ce film) ou de la fuite des talents, de l'inertie des institutions culturelles étatiques... 

"Ne pas se rendre au théâtre, c'est comme faire sa toilette sans miroir." Arthur Schopenhauer.

Ainsi Abass Ndione tire la sonnette d'alarme. En effet, les télénovelas et les super productions occidentales ont envahi les écrans, les salles disparaissent ... Ainsi les sénégalais ne se regardent pas dans le miroir de leur propre créations culturelles mais regardent vers l'Inde, le Brésil, les USA, ... Quel hara-kiri !

Ramata est adapté de l'ouvrage d'Abass Ndione, grand auteur sénégalais à découvrir de toute urgence !