Au théâtre, ce soir ...

Hier soir, nous sommes allés au Théâtre,  s'il vous plaît. L'assistance était nombreuse parée de ses plus beaux atours et pour sa grande part  très pâlichonne. Au programme de la soirée : l'Opéra du Sahel.

Je prends quelques minutes pour vous expliquer la démarche particulière de cette compagnie, dont les membres viennent de plusieurs pays d'Afrique occidentale. Cette initiative culturelle est une coproduction de la fondation Prince Claus des Pays Bas et du Ministère de la Culture du Mali. L'Opéra contribue au rayonnement de la culture africaine en touchant le grand public dans le monde entier. C'est plus qu'un projet culturel, c'est un projet de développement. Il est certes un spectacle, mais aussi un projet culturel à impact durable pour les raisons suivantes :

une autre image de l'Afrique qui n'est plus résumée à ses difficultés, le brassage et les échanges interculturels mais aussi de compétences, générer des revenus pour nourrir la création, lutter contre l'acculturation, nouvelles inspirations, thèmes forts ouvrant au dialogue et à la sensibilisation.

L'Opéra du Sahel donne une voie poétique et musicale au drame de la vie réelle qui se joue chaque jour en Afrique, qui s'exprime enfin par la voix des artistes africains : Bintou Wéré sur  le thème de la migration clandestine.

" Quand on est africain d'un pays ravagé par la sécheresse, la dictature ou la guerre, on rêve d'une Europe où la vie, se dit-on, est moins dure, même pour les plus pauvres. On part, on tente de passer les frontières. On fait ce que les européens parmi les plus pauvres ont fait en d'autres siècles pour échapper à la pauvreté. On quitte sa terre pour aller construire sa vie ailleurs. On se trompe peut-être, mais on espère." La Croix, le 06/10/2005.

Des désastres d'origine naturelle et humaine ont provoqué un déchirement du tissu social, limitant les perspectives d'avenir offertes aux jeunes. Las, ils décident de partir à l'assaut des murs qui séparent le Sahel de l'Europe.

Bintou-Wéré, ex-enfant soldat, attend un "enfant naturel". En compagnie d'autres migrants, elle part pour une odyssée des temps modernes vers l'Europe pour offrir à son enfant "le droit du sol" de l'Eldorado. Pourvu que l'enfant ne naisse pas avant l'assaut final...

Fabriquer des échelles dans le désert, la cime pointée vers les étoiles et avancer !  Tous tournés vers le même rêve... la mort frappe sur la route ; alors que d'autres en reviennent, les enfants regardent passer le Paris-Dakar....

Je fus prise aux tripes par l'intensité de ce thème tellement commun et tellement sensible... Ici, ils luttent pour survivre et sinon, ils luttent pour vivre ailleurs où on ne veut pas d'eux, tels de nouveaux pestiférés.

La barrière linguistique m'a empêché de saisir les subtilités du texte mais comme dans un opéra allemand ou italien, je me sers de tous les niveaux d'écoute que sont l'émotion, la musique, le chant, le langage du corps (quels mouvements sensuels et souples !!!)...

PS. Extraits dans les liens et sur le site de l'Opéra du Sahel(galerie).