Le Cimétière des éléphants
Autrefois, le peuple
des éléphants vivait au bord de la rivière Sankourou. Il avait pour roi
le puissant et sage Khoro.
Un jour, le petit tisserin se posa sur la
défense de Khoro et lui raconta, tout effrayé : " Hélas,
puissant Khoro ! c’est terrible ! Une foule d’êtres noirs à deux pattes est
arrivée dans notre pays. Ils possèdent de drôles d’objets qui tuent. Ils
s’étendent partout et dévastent tout sur leur passage. "
Khoro
sourit : " Je connais ces êtres. Ce sont les hommes. Ils sont
petits et ne sont pas très forts. Leurs armes ne peuvent pas transpercer
l’épaisse peau des éléphants. "
Cependant, peu de temps après, Khoro
cessa de sourire. Les hommes noirs n’étaient ni très grands, ni très forts,
mais ils étaient nombreux.
Certes, leurs armes ne pouvaient transpercer
l’épaisse peau des éléphants. Toutefois, une flèche bien lancée pouvait tuer un
éléphant si elle le frappait à l’œil. Les hommes brûlaient les forêts pour en
faire des champs.
En outre, une terrible sécheresse éprouvait le pays. Les
éléphants se trouvèrent aux abois. Ils mouraient de faim et par les armes des
hommes noirs.
C’est alors que le puissant Roi des Éléphants rassembla ses
sujets et leur dit : " Cette terre n’est plus bénie des dieux. La
famine et les hommes noirs nous font souffrir. Nous devons partir d’ici. Nous
irons vers le soleil couchant. Notre route sera droite, comme l’était jusqu’à
présent notre vie. Nous passerons sur tout ce qui se trouvera sur notre chemin,
que ce soient les marécages ou les hommes noirs. Nous sommes peut-être un petit
peuple, mais chacun de nous est plus fort que dix fois dix singes. Nous
atteindrons notre but. Il n’en reste pas moins que ce pays a toujours été notre
terre. Aussi, nous y reviendrons quelques jours chaque année, le premier mois
qui suit la saison des pluies. Ainsi, nos enfants la connaîtront, les vieux et
les malades pourront y vivre leurs derniers instants. "
Ainsi
parla le puissant Khoro, et il en fut comme il dit. Le passage des
éléphants ressembla à celui d’une tornade : les arbres furent arrachés, les
champs piétinés, les villages détruits. Beaucoup d’hommes périrent. La force
des éléphants était effrayante.
Cela s’est passé, il y a longtemps, très
longtemps, mais chaque année, les éléphants continuent à emprunter le même
chemin pour montrer leur ancienne patrie à leurs petits et pour que les vieux
puissent y mourir.
Depuis ce temps, on ne trouve plus de cadavres d’éléphants
dans la forêt car ceux-ci vont mourir sur les bords de la rivière Sankourou.
Là se trouve leur cimetière bien que personne ne sache l’endroit exact.
Par Samia Nasr